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Les thèses de BERGSON sur le mouvement, premier moment : introduction du concept d’image-mouvement
- Ce que je voudrais faire cette année, pour que vous compreniez, surtout que vous sachiez, s’il convient que vous veniez, que vous veniez encore. Eh bien voilà, d’une certaine manière, je voudrais faire trois choses. Je voudrais faire trois choses différentes, même très différentes en apparence, et je voudrais que chacune de ses choses vaille pour elle-même, vaille par elle-même :
- Première chose, je voudrais vous proposer une lecture d’un livre de Bergson, à savoir "Matière et mémoire". Pourquoi ce livre de Bergson ? Parce que je suppose, je crois, que c’est un livre très extraordinaire, non seulement en lui-même mais dans l’évolution de la pensée de Bergson. Matière et mémoire, c’est le second grand livre de Bergson, après "l’Essai sur les données immédiates [de la conscience", le troisième grand livre sera L’évolution créatrice. Or, dans l’évolution de la pensée bergsonienne, on dirait - et pour ceux qui ont déjà lu ou pris un peu connaissance de ces livres de Bergson, peut-être vous avez déjà eu cette impression - on dirait que Matière et mémoire forme pas du tout, ne s’inscrit pas dans une espèce d’enchaînement progressif, mais qu’il forme une très bizarre, un très bizarre détour, comme une pointe extrême. Pointe tellement extrême que peut-être Bergson atteint là quelque chose, que pour des raisons que nous aurions à déterminer, il renoncera à exploiter, qu’il renoncera à poursuivre, mais qui marque un sommet extraordinaire dans sa pensée, et dans la pensée tout court. Ça, c’est un point, voilà. "Matière et mémoire", j’ai envie de vous parler de ce livre.
- Deuxième point, j’ai envie aussi cette année de vous parler d’un autre très grand livre, beaucoup plus ancien, à savoir "la Critique du jugement" de Kant. Et la "Critique du jugement" de Kant, c’est un livre où Kant dit ce qu’il pense, ce qu’il estime devoir dire, sur le Beau et d’autres choses au-delà du Beau ou autour du Beau. Et cette fois, je dirais de ce livre aussi que c’est un sommet pas seulement pour la pensée en générale, mais pour la pensée kantienne. Parce que, pas tout à fait de la même manière que "Matière et mémoire" qui représente une espèce de rupture dans une évolution, cette fois-ci, c’est presque lorsqu’on s’y attendait plus. La "Critique du jugement", c’est un des rares livres écrits par un vieil homme, à un moment où pratiquement il a fait toute son œuvre. D’une certaine manière on n’attendait plus grand chose de Kant, très vieux, très vieux... Et voilà que, après les deux critiques qu’il avait écrites : "Critique de la raison pure", "Critique de la raison pratique", survient tout d’un coup ce dont personne n’avait l’idée que ça pouvait être, la "Critique du jugement", qui va fonder quoi ? Qui va fonder une très bizarre esthétique, sans doute la première grande esthétique, et qui va être le plus grand manifeste à la charnière de l’esthétique classique et du Romantisme naissant. Voyez, je dirais que c’est là aussi un livre sommet, bon, mais pour d’autres raisons et dans une autre configuration que "Matière et mémoire". Tout ça, ça n’a pas l’air de bien s’accorder.
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